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Studia daviliana
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20 novembre 2009

Quelques Notes traduites

QUELQUES EXTRAITS DES NOTAS (1954) DE NICOLAS GOMEZ DAVILA.

(page 11) Peu de choses meurent aussi vite que les idées, et peu de cadavres inspirent une telle indifférence (…)

(p 11) Le livre qui ne divertit, ni ne charme, court le risque de perdre le seul lecteur intelligent : celui qui cherche son plaisir dans la lecture et seulement son plaisir. (…)

(p 13) (…) L’humanité est d’une étonnante indifférence envers tout ce qui ne menace pas son existence mais se contente de la salir ou de la dégrader.

(p 23) L’homme satisfait est médiocre, quand sa satisfaction provient d’actes ou d’objets éphémères, quand il se contente de tout ce qui passe et meurt, de tout ce qui n’aspire pas à ne pas passer, à ne pas mourir. (…)

(p 37) Le communisme, plus que la théorie d’une classe sociale ou d’un type intellectuel, est la théorie d’une partie de l’esprit, de tout esprit.

(p 48) L’enthousiasme débordant du public pour un film idiot suffit à guérir n’importe qui de ses utopies réformistes.

(p 50) Toute sagesse consiste à repenser avec sincérité, fraîcheur et profondeur, les lieux communs.

(p 51) La dignité et l’amour sont inversement proportionnels.

(p 62) Peut-être qu’après tout, la meilleure justification des aristocraties est notre évident besoin de spécialistes de l’art de vivre.

(p 65) La propriété des instruments de production est la seule garantie de la liberté. Disons, même si c’est excessif : qui n’a pas de terre, n’a pas de liberté.

(p 79) L’humanité va de la médiocrité à l’horreur et de l’horreur à la médiocrité.

(p 82) La critique qui s’occupe de petits détails est la seule vraie critique. Lorsqu’elle traite des livres globalement et parle des auteurs en bloc, ce n’est qu’une rhétorique inefficace.

(p 101) L’adolescence obtient sans avoir désiré, la jeunesse désire et obtient, la vieillesse commence par désirer sans obtenir et finit par désirer désirer.

(p 103) Le plus difficile : se résigner sans amertume, et vivre avec dignité une vie que le destin éloigne de toute noble entreprise.

(p 116) Dieu est l’être pour qui le plus humble et le plus commun des hommes est une personne.
Dieu est l’être qui ne pense pas avec des idées générales.

(p 117) Le récit intelligent de la défaite est la subtile victoire du vaincu.

(p 117) Toute ville est une hypothèse que l’intelligence déploie autour d’une rue.

(p 148) La sociologie démontre infatigablement ce qui est évident.

(p 152) L’effet immédiat et spontané de la prière est la conscience de notre insignifiance. Cela suffit à la rendre précieuse.

(p 153) Il n’y a pas de plus grande noblesse que de se refuser à ce que le cœur désire et que la raison repousse.

(p 169-170) Ceux qui croient trouver des arguments contre le catholicisme, et contre la religion en général, dans tous ces récits de vies de saints, évidemment malades et proches de certaines formes lugubres de démence, méconnaissent que rien ne justifie mieux la religion que ce singulier pouvoir de faire fructifier ces existences misérables, au lieu de les livrer à la triste stérilité d’un traitement scientifique dans une clinique aseptisée.

(p 172) Percevoir, contempler et connaître sont les degrés du plaisir.

(p 185-186) La campagne française comble de joie l’économiste impénitent. Richesse de la terre, incomparable fécondité du sol, et surtout admirable et minutieuse culture du terrain, qui ne laisse pas se perdre le plus petit recoin.
Ce spectacle m’accable. Malgré la beauté et la diversité dont la nature a doté ces paysages, l’homme a su leur imposer une monotonie énervante.
Les rectangles implacables des différentes cultures se succèdent docilement et s’étendent jusqu’à l’horizon. Les arbres alignés se cachent les uns derrière les autres, à égale distance, et font défiler leurs rangs au passage de l’automobile, avec un geste précis et mécanique de gymnaste. Si, tout à coup, nous trouvons un petit bois, il n’est pas difficile de deviner quel rôle pratique remplit cet apparent morceau de liberté oublié sur un sol soumis. Et les vignobles, les vignobles aux mystiques sarments, qui ont fini par envahir le paysage de leur sévérité industrielle.
Bientôt nous éprouvons le désir d’une pièce de terre stérile et libre, d’une terre préservée du labeur humain.
Cette campagne française fait pitié. Terre soumise et servile.
Nature que l’homme a asservie. Sol dompté, incapable de se révolter, plus semblable à une usine alimentaire qu’à la campagne rustique et sacrée que l’homme habitait jadis.
La richesse de la Pomone mythique se transforme en un immense entrepôt de grains et de légumes. La campagne de France n’est pas un jardin, c’est un potager.
Devant ce gigantesque déploiement d’aliments, je ne rêve que de landes stériles, de pitons glacés, de la tiède forêt de mes rivières andines.
Je ne sais d’où me vient cette répulsion. Sobriété innée, goût d’une certaine austérité janséniste, ou modération inévitable d’un ressortissant de pays pauvre? Ah! vieux terrains marécageux de Port-Royal, friches de Castille, ah! mes âpres collines.
Ce que la campagne française met en évidence, c’est la victoire définitive du paysan.
La tâche entreprise le 4 août 1789 et qu’illuminent de leurs feux symboliques les archives féodales incendiées, est enfin accomplie.
Terre entièrement cultivée, dans ses vallées et sur ses coteaux, sur les rives de ses fleuves, dans les étroits jardins de ses maisons comme dans ses vastes plaines, terre sur laquelle veille un immense amour paysan pour le sol qui le nourrit et le fait vivre. Ces lourdes moissons, ces feuillages lustrés, ces pampres qui préparent les grossesses de l’automne, sont l’effort implacable de millions de vies avides et laborieuses. Des vies qui, du matin au soir, travaillent sans relâche le sol qui enfin leur appartient et que plus rien ne protège de leur convoitise séculaire.
Un immense peuple d’insectes s’est répandu sur le sol de la France. Sa sueur le féconde et l’enrichit.
Ces champs exhalent comme la vapeur de la sueur paysanne.
Sur ces terres lumineuses, sur ces horizons doux et purs, sur la lente et molle courbe de ses collines, sur ce paysage d’intelligence et de grâce, de discrétion et de lucidité, règne une démocratie paysanne

(p 201) En s’écroulant, une aristocratie explose en mille individus vigoureux qu’elle jette avec force dans l’histoire. Une démocratie, en disparaissant, se dégonfle comme un ballon de baudruche.

(p 206) Toute femme a besoin qu’on la viole un tant soit peu.

(p 221) Comme les dents de lait, il y a les idées de lait. A quel âge commençons-nous à les perdre ?

(p 243) Nous passons notre vie à frapper toujours à la même porte fermée.

(p 253) Pour le lecteur des historiens antiques, la guerre moderne est chose familière.
La guerre totale est la guerre que l’humanité a toujours connue.
Parvenir à soumettre la guerre, pendant quelques siècles, à certaines exigences morales et esthétiques, fut une entreprise miraculeuse et fragile.
L’homme actuel frémit devant les mêmes horreurs que l’humanité millénaire a contemplées avec une résignation angoissée.

(p 256) (…) du point de vue de l’animalité, l’esprit n’est qu’une maladie héréditaire.

(p 281) L’intelligence est une patrie.

(p 303) Les idées sont la seule chose au monde que seul puisse posséder celui qui en est digne.

(p 307) Les mémoires et les maximes semblent être des genres nettement aristocratiques.

(p 309) La véritable critique littéraire ne consiste pas en un discours, mais en un adjectif opportun.

(p 332) Dans le brouhaha de la fête, celui qui se respecte se tait.

(p 335) Une doctrine sévère et une pratique aimable, voilà non la formule de l’hypocrisie, mais le secret de toute civilisation ancienne, riche, mûre.

(p 339) La méditation est notre prise de possession du monde.

(Ces Notes en traduction française par Philippe Billé ont paru dans Etudes, revue obscurantiste, N°s 2 & 3, La Croix-Comtesse, juin 2004 & février 2005, puis dans la Lettre documentaire 359, du 20 octobre 2006).

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